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« Abusuan »
« L’herbe Sauvage »
« Bal Poussière »
« Le sixième doigt »
« Rue Princesse »
« Une couleur Café »
« Caramel »
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CRTV
Vous êtes l´un des rares réalisateurs africains à faire des films où les questions de sexe sont abordées avec " légèreté" sans drame, ni tabou. Comment en êtes–vous arrivé à ce niveau d´écriture lorsqu´on sait que les Africains n´ont pas cette culture de parler librement de sexe ?
Henri Duparc
Je commencerai rejeter cette question dans sa formulation : " où les questions de sexe sont abordées avec " légèreté" sans drame, ni tabou. Et dire plutôt " où l´érotisme est abordé sans drame, ni tabou. " L´approche du sexe peut relever d´une vue scientifique, ( un documentaire sur la conception d´un enfant, sur les MST etc .. ) il peut être érotisme ou pornographie. Avec " BAL POUSSIERE ", il est vrai, certains critiques ont vite fait de conclure que je me suis spécialisé dans un genre cinématographique, celui de la comédie, mais une comédie qu´ils trouvent trop en " dessous de la ceinture. Quand on voit une paire de seins sur une carte postale qui fait la promotion du tourisme en Afrique, on s´en accommode. Et quand on voit la même paire de seins sur un écran au cinéma, dans un film africain, on joue les agacés. Allez comprendre quelque chose. Je ne vois pas dans ce cas précis, pourquoi faire de l´auto censure. Je ne suis pas auteur de films à donner dans l´hypocrisie, à camoufler la réalité. Passer sous silence la tendresse, l´amour, le sexe dans les films africains, c´est nier leur existence, ce qui est absurde. Montrer une femme dans un lit, qui vit une scène d´amour avec son amant et la vêtir d´un pull–over comme c´est le cas dans le film le " le Médecin de Gafiré " c´est non seulement la négation de l´amour c´est également dénier à l´Africain la capacité à vivre une sexualité normale. Est–ce que cela veut dire qu´au nom d´une fausse pudeur, d´une hypocrisie généralisée de comportement, on ne peut en Afrique réaliser des films comme "l´empire des sens", du Japonais Toshima, peindre des tableaux comme " L´origine du monde " de Gustave Courbet ?
CRTV
Comment expliquez–vous le fait que le cinéma africain fasse tant d´ellipses dans les scènes d´amour ? Les réalisateurs sont pudiques ou pensent–ils à leur public qu´ils jugent pudiques ?
Henri Duparc
Je n´explique rien puisque je ne suis pas dans ce cas. Peut–être les autres réalisateurs apprécient–ils à tort leur public ? Je dis à tort car il est de notoriété publique que les africains sont de gros consommateurs de films à caractère pornographique, sans doute parce que leur sexualité est bridée. Bridée, pas seulement au cinéma mais dans la vie tout simplement. Cela explique que la femme est considérée comme un objet sexuel et pas comme une belle âme. Dès lors, tous les comportements sont autorisés. Ce qui justifie que la femme soit mutilée sexuellement presque partout en Afrique, qu´elle soit soumise à la lapidation comme au Nigeria, qu´elle disparaisse sous la bourca comme en Afghanistan.
CRTV
Comment le public vous juge–t–il ? aime–t–il votre approche professionnelle ou vous reproche–t–il souvent ce parti pris pour la légèreté de traitement des sujets les plus graves ?
Henri Duparc
Au vu du succès rencontré par mes films je ne pense pas que le public me reproche quelque chose. Lorsque nous avons réalisé le film "Rue princesse" à San Pedro à 300 kms d´Abidjan, nous n´avons jamais deviné que le succès du film aurait poussé les spectateurs à baptiser "Rue princesse" la rue la plus "chaude" de Yopougon un quartier d´Abidjan. La "rue princesse de Yopougon" est aujourd´hui plus célèbre que le film. Dois–je le prendre comme un satisfecit ou comme une réprobation ? En ce qui concerne le traitement que je fais des choses de la vie, je me préoccupe très peu du public. Le public est mortel et l´œuvre de l´esprit est pérenne.
CRTV
Au cinéma les scènes d´amour sont–elles "obligées ?"
Henri Duparc
Je vous retourne la question. Pensez–vous que dans la vie courante, celle de tous les jours, vous pouvez vous passer d´amour ? La réponse que vous donnerez à cette question est celle que je lui donne également.
CRTV
Comment avez vous pu amener vos acteurs à jouer avec autant de naturel ? (la scène par exemple avec les filles qui ont les seins nus à la plage dans "Bal poussière" ?
Henri Duparc
Il faut éviter de faire l´amalgame entre un personnage dans la vie et le même personnage sur une scène de théâtre ou un plateau de cinéma. Il a un transfert de personnalité, parce qu´il y a un rôle à jouer. Jouer un rôle, c´est cesser d´être le personnage que l´on est dans la vie pour entrer dans la peau de celui que l´on doit interpréter. Lorsque l´acteur atteint ce pouvoir de différenciation, le naturel s´impose de lui–même. Mais si vous jouez en vous disant que le spectateur peut confondre le personnage vu à l´écran et celui qu´il côtoie dans la vie, le jeu devient faux.
CRTV
Où trouvez–vous la ressource de tant d´humour et tant d´esprit ?
Henri Duparc
La vie est très courte quand on veut la regarder attentivement. Des hommes qui étaient à vos côtés il y a vingt ans ne sont plus aujourd´hui et il est vraisemblable que ceux qui sont adultes aujourd´hui, seront des souvenirs dans quarante ans. A quoi vais–je consacrer le peu de temps que je vais passer sur terre ? A vivre. Vivre pleinement de toutes ces bonnes choses que la vie nous donne ; l´amour, l´esprit, l´humour. C´est pourquoi, au lieu de me morfondre, de déclarer des querelles aux gens, de cultiver l´égo ?e, j´ai choisi de tourner en dérision les vicissitudes de la vie. Je pense qu´il est beaucoup plus facile d´éveiller les consciences en adoptant une approche du sujet plus accessible au public, c´est à dire par l´humour, la comédie, la bonne humeur.
CRTV
Si l´on vous demandait de réaliser un film "sérieux", plein de drame et de suspens tragique, sans humour, sans une seule réplique, un seul dialogue qui évoque de près ou de loin le sexe le pourriez–vous ?
Henri Duparc
Vous venez de m´apprendre que le mot "sérieux" regroupe les thèmes "drame, suspens tragique, absence d´humour, non–existence de sexualité" S´il en est ainsi, je crois que ce mot n´a jamais existé en moi et je comprends pourquoi j´aime tant la vie, l´amour, la bonne bouffe, tout ce qui fait que je suis heureux de la vie. Je suis s ?ue sans amour, sans sexualité, sans amitié, sans fraternité, sans rire, sans générosité, il n´y a de place pour aucune vie. Je n´ai pas vécu avec elles, mais je suis persuadé que les fourmis savent rire et savent faire l´amour
L´humour, c´est quoi ?
C´est une certaine façon d´appréhender la vie. L´humour est à manier avec délicatesse. Il doit tout au plus égratigner et non pas blesser. Au nom du respect humain, de l´éducation humaniste que j´ai reçue, je m´interdis dans mes oeuvres qui flirtent avec l´humour, de me prendre pour un justicier.
Et les pouvoirs qui interdisent l´expression artistique ?
En général, les pouvoirs qui interdisent l´expression artistique sont issus de sociétés primitives. Ils ont peur du moindre signe de modernité. Dans des pays comme l´Iran on interdisait les haut–parleurs dans les mosquées parce qu´ils étaient des outils du diable. Que dites–vous du "bien" et du "mal"
Si je suis affecté par les attentats de New York, je rejette cependant le manichéisme. Il n´y a pas d´un côté le mal et de l´autre côté le bien. Je suis un citoyen du monde, et c´est en ce sens que je me sens bien partout particulièrement à Abidjan. Abidjan, c´est la synthèse de l´Afrique et l´Afrique est le seul continent où il se passe encore réellement quelque chose, parce que les africains sont la vie. Ils ne sont pas dans la vie. Ils sont la vie.
Peut–on dire que BAL POUSSIERE vous a ouvert beaucoup de portes ?
C´est sûr que " Bal Poussière " m´a fait connaître à l´étranger, en Amérique et au Canada, etc ! Mais le problème du cinéma est que, quel que soit le succès d´un film, il ne sert jamais de tremplin pour le suivant. On rencontre toujours les mêmes difficultés à monter une production. Un film est une entité, mais à chaque fois, il faut surmonter des montagnes de difficultés pour réaliser le suivant.
On peut en énumérer ...
Ce n´est pas systématiquement les mêmes financiers qui interviennent. Ceux qui ont produit " Bal Poussière " ne sont pas les mêmes qui ont produit " Rue Princesse "...Chaque fois, c´est une remise en cause totale. Chaque film est une aventure et systématiquement un coup de poker. Quelqu´un m´a dit un jour : " fais une étude de marché ! ". Mais on ne fait pas une étude de marché quand il s´agit d´une oeuvre d´art ! On ne dit pas : aujourd´hui, je vais faire un film sur tel sujet, parce qu´il est à la mode ! On fait un film parce qu´on a un sujet particulier qu´on veut traiter...
Un film africain qui sort se heurte au problème de la distribution. Comment peut–on remédier à cette fâcheuse réalité ? Ce n´est pas un problème qui concerne uniquement la distribution, mais l´industrie cinématographique. On ne peut pas séparer la production, la distribution et l´exploitation. Un produit quel qu´il soit, que ce soit un film ou une savonnette, pour être sur le marché, a besoin d´un distributeur. C´est ce distributeur qui va le placer dans une grande surface et l´ Afrique offre cette surface d´un peu plus de 500 millions d´habitants. Si un pour cent de la population africaine devenait subitement spectateur de cinéma (même à 200 frs cfa la place !) il y a de quoi amortir largement nos productions ! Mais pour avoir cinq millions de spectateurs sur ce continent, il faudrait bien que le cinéma soit organisé. Pas uniquement en Côte d´Ivoire, au Sénégal, au Burkina Faso, mais à l´échelle sous–régionale, continentale...Actuellement, le continent n´est pas porteur financièrement, on est obligé de chercher des retombées ailleurs, en Europe, en Amérique etc.
Ce qui n´est pas évident ?
Je ne pense pas que le rôle de l´Europe soit d´attendre après le cinéma africain. Elle a, elle même, ses propres problèmes de production, d´exploitation, et de distribution. Quand nous exploitons un film américain, ici, en Côte d´Ivoire, en exclusivité, c´est que ce film a déjà été amorti aux Etats Unis ; alors que nous ce n´est pas l´Afrique qui est notre premier marché l´Europe. Et s´il ne fait pas de recettes là–bas, c´est un fiasco financier.
Un exploitant de salle africain, a dit ceci : " le film africain, à l´affiche, ne fait pas recette ". Si le cinéma africain ne fait pas recette, c´est parce qu´il est enfermé dans une sorte de cellule, ou il ne peut pas évoluer normalement. Si le cinéma en Afrique était correctement organisé, les places seraient à 200 FCFA ou 300 FCFA Comment veut–on attirer le public africain, quand on lui propose, en exclusivité un film à 2500 FCFA ? C´est énorme ! La marchandise qui est offerte est trop chère...Quand on dit que le cinéma Hindou est riche de production et riche de recette, c´est parce que les premiers spectateurs des films Hindous, sont les hindous eux–mêmes, et les prix sont calculés en fonction de leur PNB ;
Une récompense, un prix, ça compte beaucoup pour un cinéaste ?
Ca compte pour ce qu´il est. En général, je ne me focalise pas la – dessus. Ca fait plaisir, ça correspond un peu aux acclamations qu´une troupe de théâtre récolterait à la fin d´un spectacle ; ça correspond aux vivats qu´un chanteur récolterait à la fin de son spectacle... Il permet quelque part à un film de se faire connaître. Cinq ou six mois après, c´est fini.
Votre carrière est riche : des documentaires, des courts–métrages, des feuilletons télévisés, des longs–métrages. Quels ont été vos modèles de cinéastes ?
Il y en a quelques uns, mais je retiens principalement Frédérico Fellini (paix à son âme.) Voir "les Nuits de Cabiria" " 8 ET1/2 etc). Ce cinéaste italien m´a donné l´envie de faire du cinéma.
Bérénice Balta– Radio France Internationale, octobre 2004
"Après ma mort, c´est moi qui serai jugé" entretien de François–Xavier Dubuisson avec Henri Duparc
publié le 11/05/2006
Nous publions cet entretien de François–Xavier Dubuisson réalisé au festival de Namur en septembre 2004 avec le grand cinéaste dont les comédies ont marqué la cinématographie africaine. Il "s´en est allé" récemment, selon cette expression qu´il dit ici préférer car elle signifie que "l´on ne meurt jamais tout à fait". Il ne pouvait mieux parler de son cinéma. Puisse ce dernier entretien lui être un vibrant hommage.
Le ton de vos films laisse penser que le drame n´est pas le genre qui vous caractérise...
Non, jamais le drame. Je préfère ne pas parler de drames car toute notre vie, tout notre environnement est fait de drames. Je ne vois pas le cinéma autrement que le rêve, que la projection dans un autre milieu, un milieu onirique, moins dépressif que celui dans lequel nous vivons.
Le choix de la dérision relève–t–il pour vous d´une philosophie propre à l´Afrique ?
Tourner les choses en dérision, c´est les remettre à leur véritable place. L´Africain dit que la plus grande chose qui puisse arriver à un individu, c´est de mourir. Dans certaines traditions, le mot « mourir » a une mauvaise consonance, on préfère dire : « il s´en est allé ». Cela veut dire que l´on ne meurt jamais tout à fait, puisque c´est un départ, alors que l´idée de mort renvoie à la putréfaction. La notion est différente. Prendre le désastre avec philosophie, tourner certaines choses avec philosophie tant que l´on est vivant, nous permet de rebondir plus facilement. Aujourd´hui en Afrique, nous sommes à une croisée des chemins oû nous remettons les choses en cause. Pour cela, il ne faut pas s´asseoir et regarder les événements de façon dramatique, mais nous donner les moyens d´être africain, de tourner de bonnes petites productions, en cessant de vouloir être comme les Européens et les Américains. En tournant les choses en dérision, il ne peut pas y avoir de conflits.
Votre cinéma a l´ambition d´être populaire...
Absolument. C´est le public qui fait et qui défait un film. Nous en avons une preuve flagrante avec Jean–Jacques Annaud quand il a fait La victoire en chantant. Le film a été pratiquement cassé pendant sa première projection, et lorsqu´il a obtenu l´Oscar du meilleur film étranger en 1977, il est revenu sur le marché sous le nom de Noirs et Blancs en couleurs et il a connu une nouvelle vie et un nouveau succès, ce qui a permis son démarrage. Je pense moi que s´il n´y a pas de public, il n´y a pas de film.
Quand vous écrivez vos films, pensez–vous d´abord au public africain ?
A priori, je pense au public africain. Quand j´écris mon sujet de film, je ne m´inquiète pas du public new–yorkais : il a son problème. Mon public a le sien. Si j´arrive à internationaliser mon projet pour qu´il soit accessible à un public européen ou américain, c´est une deuxième étape. Quand je me promène en Afrique, je sais qu´ils ont vu mes films et ce qu´ils en ont tiré, et ma préoccupation n´est pas de savoir si un de mes films va sortir en France ou pas. Il faut être assez logique : quand les Français font des films, ils ne les font pas pour les Américains.
Le cinéma d´Afrique est souvent associé à la catégorie cinéma d´art et d´essai. Votre oeuvre semble se démarquer de cette tendance...
Je ne me sens pas concerné par le cinéma d´art et d´essai africain. La question est de savoir pour qui l´on fait des films. Virer dans le nombrilisme en faisant du cinéma d´auteur qui n´aboutit à rien du tout ou faire des films pour que le public retrouve sa culture et pour faire vivre le cinéma sont deux aspects très différents. Faire plaisir à une chaîne de télévision européenne en faisant un film d´art et d´essai ne me conforte pas du tout dans ma façon de voir les choses. La preuve en est que s´il y a actuellement une désaffection des salles de cinéma en Afrique, c´est parce qu´il n´y a pas de films africains à consommer. Nous avions à un moment donné des films d´auteurs français qui n´intéressaient pas le public africain, puis après il y a eu les Rambo et autres qui sont arrivés et l´on a assisté à un détournement du public africain pour ces productions américaines. Maintenant, nous avons un détournement de ce même public africain pour les sitcoms sud–américains. Cela signifie que les productions africaines sont inconnues sur le continent, et que nous vivons entre deux aspects de productions qui relèvent uniquement du continent américain.
Selon vous, le cinéma africain a–t–il une identité particulière ?
Il serait difficile de parler d´identité du cinéma africain, dans la mesure oû il y a plusieurs identités culturelles en Afrique. Nous en sommes encore au stade de la recherche pure. Nous ne nous sommes pas encore trouvés. Peut–être que dans cinquante ans nous aurons les contours d´une identité commune. A mon sens, du nord au sud de l´Afrique, il y a un tronc commun de préoccupations générales, et c´est dans ces domaines–là que je puise les sujets de mes films. On retrouve la révolte des femmes, traitée dans La grève du lit (dernier projet de tournage) tant dans le Maghreb qu´en Afrique du Sud. La condition de la femme face à la polygamie est un problème général à l´Afrique. Je ne traite pas de particularités.
Vous avez adapté et réalisé dernièrement la série télévisée Moussa le Taximan, destinée à sensibiliser les téléspectateurs au problème du SIDA...
Le SIDA est une pandémie en pleine évolution en Afrique. Ma démarche a consisté à ne pas avoir honte de dire de quoi il s´agissait, et à la limite, faire en sorte que le malade et l´individu sain puissent se regarder sans malveillance. Le problème du SIDA n´a rien à voir avec mes productions en général. C´est une prise de conscience personnelle de l´individu. Tourner le comportement des individus en dérision, mais pas la maladie bien s ?a permis de dédramatiser le sujet. J´ai eu une totale liberté dans le traitement du sujet, et la seule contrainte fut de respecter un texte qui relevait d´un contexte médical.
Quel regard jetez–vous sur cinquante ans de cinéma en Afrique ?
On peut difficilement baptiser un enfant qui n´est pas réellement né... Il y a des films africains, mais il n´y a pas de cinéma. On ne peut pas prendre globalement une période de vie du cinéma africain des années 1970 à 1990 en Afrique et dire qu´une esthétique s´en dégage. Il y a donc des films africains, et, partant, des auteurs. Sembene a fait du cinéma de revendications, mais citez–m´en d´autres ! Les gens confondent souvent les propos tenus par certains cinéastes à l´occasion de meetings avec leurs oeuvres, qu´ils ne prennent parfois pas la peine de juger.
Qu´est ce qui vous semble prioritaire aujourd´hui pour une véritable relance du cinéma sur le continent ? Que pensez–vous des initiatives de regroupement et d´harmonisation d´une politique sectorielle de l´image, comme l´envisage aujourd´hui l´UEMOA ?
Si l´on tente seulement de regrouper, on va se retrouver avec une plaie béante ! Si le Burkina se développe en production cinématographique par exemple, et que le Tchad ne fait rien, on va subir de la part du Burkina ce que nous connaissons aujourd´hui avec les productions sud américaines à l´échelle du continent. Il faut d´abord sérier les problèmes pour mettre en place une politique qui permette au cinéma de vivre, au sein de chaque pays. C´est l´étape indispensable.
Les fonds nécessaires à la réalisation de vos films proviennent de bailleurs de fonds étrangers. Avez–vous parfois senti que cela pouvait être une contrainte dans votre travail ?
Je récuse tout financement d´un bailleur qui m´imposerait ses vues. J´ai la chance d´être en très bons termes avec l’Agence de la Francophonie, qui me fait confiance. Quinze ou vingt ans après ma mort, quand on jugera mon oeuvre, c´est moi qui serai jugé et non le bailleur de fonds. Alors, il faudrait m´assumer...
Namur, Forum francophone de coproduction (FIFF–BLCEF), septembre 2004
Vous connaissez de grosses difficultés de financement...
Les contraintes de financement que nous avons maintenant sont de loin plus restrictives que celles que nous avions il y a vingt ans. Depuis trois ans, aucune chaîne de télévision ne diffuse nos films : c´est un manque à gagner car on réfléchit en termes d´audimat. L´exigence de dépenser l´argent en France posée par les institutions me fait poser la question pourquoi on m´en donne : autant ouvrir un crédit au laboratoire ! D´autres organismes ne commencent à nous verser l´argent qu´au premier jour de tournage, ce qui nous oblige à faire appel à des crédits bancaires hors de prix pour ce qui est à dépenser avant. On finit par se demander si on ne veut pas nous empêcher de réussir dans ce métier. Après quatre ou cinq films à succès, on devrait pouvoir lâcher du lest pour certains et ne pas mettre tout le monde dans le même panier. Je comprends qu´on soit exigeant par rapport à un jeune qui fait sa première expérience, mais que l´on donne plus de liberté et de possibilités à ceux qui ont une certaine expérience pour aller un peu plus en avant.
Ce n´est pas trop épuisant ?
C´est vraiment fatiguant. En France un film sert de tremplin pour le second, pas en Afrique. Même après Bal Poussière, j´ai repris les démarches à zéro. On a l´impression que le sujet immigration et réalité française ne passe pas...
Le sujet ne passe pas au niveau des bailleurs de fonds appartenant à la fonction publique française, peut-être parce que le sujet est trop sensible pour eux. Mais je ne peux pas m´autocensurer. Le problème de l´immigration en France me gêne autant qu´eux. Moi, il me gêne parce que je me demande ce que ces gens font là-bas : ils feraient mieux de revenir en Afrique. Certains me font honte mais ce n´est pas une raison pour tous les mettre dans le même sac. On ne va pas mettre en prison tous les Libanais d´Afrique parce qu´il y en a un qui a magouillé avec la douane ! Les problèmes de société sont une chose et un individu ne fait pas une entité. J´ai rencontré pas mal d´obstacles pour mon film, mais je les contourne : à défaut de développer mon film à Paris, je vais le faire au Maroc. On ne peut empêcher un créateur de créer sous prétexte de l´image qu´on se donne de la chose. La presse française peut me démolir, c´est une autre affaire, mais j´ai l´habitude !
Qu´est-ce qui vous intéresse dans le sujet ?
Rue Princesse était un film sur les prostituées : je ne leur jettais pas la pierre. Une prostituée est une femme qui a ses émotions, ses amours... J´ai essayé de les traiter d´une façon différente, de montrer qu´elles peuvent être aimables, et qu´elles ne font ce métier que parce qu´il y a une demande. Je peux faire le trottoir, ce sera sans succès. Le problème est chez les hommes. C´est le même problème pour ce film. En France, personne dans le paysage politique ne s´arrête pour discuter avec un immigré, pour l´écouter et comprendre que cet homme a quelque chose à dire. Mon histoire d´immigré, c´est un homme très sympathique qui fait parfois le con, mais pas pour donner de lui une image négative. Il arrive à tout homme de faire le con ! Je cherche aussi à montrer que l´image que se fait le Français de France de l´immigré est fausse.
Vous êtes vous-même d´origine guinéenne vivant en Côte d´Ivoire.
Si je refuse les appellations de cinéma sénégalais, ivoirien etc, c´est un peu à cause de mon parcours personnel, mais aussi parce que je crois sincèrement que si on veut construire l´Afrique, ce n´est pas en créant des petites entités. L´Afrique aura bientôt 700 millions d´habitants. Unis, ils peuvent beaucoup. Je préfère dire cinéaste africain que de préciser l´origine. Mes sujets ne sont jamais propres à un pays donné, c´est peut-être pour cela qu´ils marchent partout. Des sujets sociaux accommodés avec de l´humour semble être une sauce qui marche. Pourquoi ce type de cinéma populaire est-il si rare ? Parce qu´on dit : je vais faire du cinéma burkinabè, lequel ne peut intéresser que le Burkina. Nous avons tant de sujets propres à tout le continent africain... Donnons d´abord de la soupe africaine à un public qui mange de la soupe américaine, avant de s´intéresser à nos cultures spécifiques. Mes films sont connus dans toute l´Afrique et les gens courent le voir à Abidjan comme à Conakry, Libreville ou Douala simplement en sachant que c´est moi qui les ai fait !
Vous aviez vous-même ouvert une salle à Abidjan, le Pharaon.
La dévaluation a rendu son exploitation impossible. Je ne pouvais plus acquérir de nouveaux films qui avaient doublé de prix alors que je ne voulais pas passer des films ayant déjà fait le tour d´Abidjan. Si j´avais eu un distributeur pour des films en exclusivité, je n´aurais pas fermé. J´ai perdu trop d´argent ; je n´en parle même plus ! Il faudrait une structure pour sortir de l´isolement. Cela ne bougera que si il y a une volonté politique, mais on l´attend encore.
Vous pensez à un organisme panafricain ?
Je reste sceptique sur la valeur d´un organisme comme le CIDC : on ne peut créer un organisme pour le seul cinéma africain ; ce ne serait pas viable car la production n´est pas suffisante. Par contre, il faudrait qu´une harmonisation entre les pays se mette en place en termes de production. Les coproductions avec l´étranger sont nécessaires, mais si chaque Etat achetait les droits de diffusion, cela ferait une mise de fonds permettant de négocier équitablement avec des producteurs étrangers. Et la télévision nationale aurait des films africains à programmer ! Au lieu d´attendre qu´ils passent sur Canal France International. CFI, c´est la plus grande roublardise du siècle ! Pourquoi les télévisions s´impliqueraient-elles puisqu´elles ont ainsi les films gratuitement ?