
FONDATION HENRI DUPARC
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Faites découvrir à vos proches et revivez toutes les émotions de ses films.
Coffret intégral 7 films : 65.000 FCFA / 99 Euros « Abusuan »
« L’herbe Sauvage »
« Bal Poussière »
« Le sixième doigt »
« Rue Princesse »
« Une couleur Café »
« Caramel »
Au-delà d’une commande de 10 packs de DVD, le prix du coffret passe à 60.000 FCFA / 91.50 Euros.
DVD à l’unité : 10.000 FCFA / 15.25 Euros
Coffret de 6 films (au choix) : 55.000 FCFA / 83.85 Euros
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Le cinéaste ivoirien est décédé le 18 avril à Paris. Il ne nous fera plus rire et sourire devant le grand écran. Et nous ne verrons plus ses yeux malicieux derrière ses grandes lunettes hors de mode, sous un front largement dégarni. Le réalisateur de l’inoubliable comédie Bal poussière, restée jusqu’à ce jour le plus grand succès public du cinéma africain, ne réalisera pas les projets dont il nous entretenait encore avec passion il y a quelques mois. Mort dans un hôpital parisien au matin du 18 avril, Henri Duparc, dont les ennuis de santé n’avaient pas altéré l’optimisme foncier, nous a quittés alors qu’il était loin d’avoir terminé son beau parcours de fidèle serviteur du septième art. Aimé du public, ce réalisateur éminemment sympathique, profondément humaniste, observateur pointu des petites choses de la vie quotidienne comme des faits de société, n’a jamais été reconnu par ses pairs comme il l’aurait mérité. S’il a glané quantité de prix, il n’a en particulier jamais été couronné par le Fespaco ou célébré à Cannes. Sans doute doit-il cette relative mise à l’écart à son choix de miser toujours sur l’humour, la légèreté, la dérision. Sans jamais formater ses films pour complaire à ceux qui préfèrent qu’on parle toujours avec gravité de l’Afrique et de ses problèmes. Voilà pourquoi, et cela vaut bien tous les parchemins officiels, lui seul pouvait se vanter d’avoir reçu sa plus grande récompense non pas des puissants mais de la rue. Au sens propre, puisque le succès de Rue Princesse - qui évoque plaisamment la prostitution et l’hypocrisie qui l’accompagne - fut tel à Abidjan en 1993 que le titre du film a donné ensuite son nom à l’artère réputée la plus chaude de la ville. …Henri Duparc entend rester un réalisateur africain qui tourne sur le continent des histoires africaines pour les populations locales. … Il privilégiera aussi sur la fin de sa vie les partenariats Sud-Sud, par exemple avec le Maroc et l’Afrique du Sud, pour finaliser ses deux dernières œuvres de fiction, Une couleur café (1997) et Caramel (2005). Tout en préparant une adaptation très personnelle d’une pièce de Feydeau (La Puce à l’oreille) ainsi qu’une nouvelle comédie dont il avait déjà écrit le scénario (La Grève du lit), Henri Duparc s’était lancé dans un grand projet pour la télévision : une série de documentaires consacrés aux hommes politiques africains qui ont été à l’origine d’un changement significatif dans leur pays. Le premier évoquait le parcours d’opposant de Laurent Gbagbo (La Force d’un destin). …
A 64 ans, celui qui disait : « A quoi vais-je consacrer le peu de temps que je vais passer sur terre ? A vivre ! Vivre pleinement de toutes ces choses que la vie nous donne : l´amour, l´esprit, l´humour...Je comprends pourquoi j´aime tant la vie, l´amour, la bouffe, tout ce qui fait que je suis heureux de la vie...Je suis sûr que sans amour, sans sexualité, sans amitié, sans fraternité, sans rire, sans générosité, il n´y a pas de place pour aucune vie. Je n´ai pas vécu avec elles, mais je suis persuadé que les fourmi savent rire et savent faire l´amour », a donc tiré sa révérence. Comme çà !
...Franco-guinéen, viscéralement attaché à la Côte d´Ivoire, depuis 1967, il y a pris femme et ce pays lui a donné l´espace de son épanouissement professionnel, social, culturel, etc... A ce pays d´adoption, il a tout donné. Pour que le nom de ce pays, son pays, signifie aussi cinéma.
...Son cinéma avouait son nom : une comédie sérieuse, qui témoignait d´une façon d´être, de voir qui s´inscrit dans la tradition ivoirienne de la comédie. Sembène Ousmane avait inauguré, avec Le Mandat (1968), l´ère du comique sérieux au sein des pratiques cinématographiques africaines.
...Et c´est surtout Henri Duparc, comme on pouvait le lire dans la revue Unir Cinéma, qui, après Sembène Ousmane, et surtout sur un ton plus léger, donne ses véritables lettres de noblesse à la comédie cinématographique. Avec Bal Poussière, son film culte, il parle de la polygamie, du capitalisme, du rapport des générations et même de l´histoire de l´Afrique avec une verve et une verdeur sans pareil. Avec Le Sixième Doigt (1990), il se moque du colonialisme et du colonisé avec attendrissement et sévérité. Et enfin, avec Rue Princesse (1993), il traite avec une sensibilité et une liberté verbale décapante de la prostitution, du sida, de l´obsession sexuelle des hommes et de l´hypocrisie de la morale et des hiérarchies sociales. Avec Une Couleur Café (1997) il rejoint les deux premiers films de Désiré Ecaré – Concerto pour un exil et A nous deux France (1969)- en abordant avec humour et détachement la question de l´immigration. En 1972, déjà avec Abusuan, critique du parasitisme social et de l´exode rurale, il annonçait ce qu´allait être son cinéma : un bal du rire qui, par la dérision, nous fait prendre conscience de nos travers.
Le 31 mai 2004, ce cinéaste le plus constant de sa génération, après avoir terminé son tout dernier long métrage, Caramel (un regard pessimiste réaliste sur le monde du cinéma, couplé à une histoire d´amour, film sorti en avril 200(), consacrait un documentaire au Président Laurent Gbagbo. Le titre : La force d´un destin. Un document d´histoire qui va appartenir au patrimoine de la Côte d´Ivoire. Parce que jamais personne n´aura eu à enregistrer la vie de cet homme avec une telle importance et sur une aussi longue période : de 1945 au 20 octobre 2000, au moment o ? prête serment. C´était le prélude à une série télévisée sur des personnalités qui ont été à l´origine de l´alternance politique dans leur pays. Hélas, le destin jaloux ne lui a pas permis de réaliser ce rêve ; le rêve de voir immortalisé ces fils des Afriques qui ont donné, c´est selon, une accélération à la marche de leur pays.
Il nous laisse une production importante, mais une chose est sûre, il laissera à sa famille, à ses amis, à ses parents et au monde des arts et de la culture d´ici et d´ailleurs qu´il a habité puissamment, un grand vide. Celui que laissent les hommes qui n´ont pas seulement mérité de naître, mais qui ont « ajouté de la terre (solide) à la terre » de leur vivant et donné à l´humaine condition une denrée qui court rarement les rues : le sens de la fraternité, au –delà des races, au-delà des différences ; le sens de la joie de vivre à partager avec tous.
Voilà, les notes et images du...Bal se sont arrêtées. La bobine du film s´est cassée. L´écran est noir. Ne reste plus que le souvenir et les lettres de ta dernière lettre : tu voulais que j´actualise ma photothèque de tes récentes photos. J´avais pensé que c´était pour illustrer une autre création. Erreur. C´était une manière de me : nous dire... » A plus tard ! ». Aujourd´hui, c´est donc fait. Je livre aux lecteurs tes dernières photos. Qui nous donnera encore le goût du rire à l´écran ?
Ce festival rend hommage à Henri Duparc. Nous n´avons, pour la plupart d´entre nous, vraiment découvert le cinéaste Duparc qu´avec Bal Poussière, et malgré son grand succès, ce film a aussi été, dans un sens, une grande déception pour la majorité de ceux qui travaillent dans et sur le film africain en ceci qu´il illustrait un talent considérable s´employant à flatter les goûts populaires. C´était de la romance filmée, sans signification sociale, avec de la musique et de la danse. Et une Afrique « réelle » éloignée des images de souffrance auxquelles nous étions habitués. On présentait même des paysans riches, la polygamie ne pouvait arrêter la fête et l´amusement, ni empêcher les belles d´arriver à leurs fins. Un film des désirs ; et tous les films de Duparc depuis ont marié désirs et fantaisie aux belles femmes et aux obstacles censés être surmontés. Nous sommes ici au stade que Zizek définit comme un ordre social et symbolique dans lequel les sujets autonomes ont le pouvoir d´agir sans pour autant être détruits par les appareils répressifs de l´état ou de l´ordre patriarcal qui lui correspond. En somme, un film aussi éloigné de Sembène que possible et, par suite, du modèle de « cinéma africain » qu´il a contribué à promouvoir, le cinéma engagé.
C´est donc avec beaucoup de plaisir que nous saisissons l´occasion, après plusieurs années, de revenir à Duparc. Il produit des films sur ce modèle qu´il perfectionne, depuis vingt ns. Maintenant que j´ai eu la possibilité de voir quatre de ses films, je suis mieux en mesure d´évaluer leurs qualités :
Abusuan, 1972
Caramel, 2004
Une Couleur Café, 1997
Rue Princesse, 1993
Madame Duparc était présente au festival où elle représentait le travail de son mari (et le sien) car ils collaboraient étroitement, semble-t-il. L´activité filmique est entièrement africaine en ce sens que le couple vivait et filmait en Côte d´Ivoire, mais, surtout, il est plus pertinent de relever, dit Mme Duparc, en répondant à ma question concernant le fait qu´il s´écartait des pratiques de l´école du film engagé, du film socialement conscient, que Duparc était focalisé sur la société qu´il filmait. Il s´intéressait tout autant que d´autres à sa société, mais la vision qu´il en avait était moins liée à l´état, à la corruption, aux problèmes exigeant des solutions sociales.
Ce ne fut pas toujours le cas. Son premier film, Abusuan, qui a une forte dimension sociale, traite de l´afflux des paysans en ville, de l´incapacité sociale de répondre à leurs besoins, de la pauvreté du village. Le héros étant un architecte francisé à l´excès, riche et marié à une belle femme comme il faut, il semble que l´une des solutions serait l´élimination des taudis dans les dix années suivantes, ce que, disait-on, le président envisageait de faire. La ville, à cette période, est en pleine croissance, fait remarquer Mme Duparc, et l´exode rural (vous vous souvenez de l´époque si lointaine où nous avions l´habitude de voir dans ce phénomène le problème majeur du continent) vient de commencer. Le problème sera résolu lorsque TOUS les neveux et nièces du héros se rendent compte qu´ils sont issus de la terre, que c´est à elle qu´ils appartiennent vraiment, et qu´ils décident de retourner chez eux. Ce retour résout le problème majeur de l´architecte, le comment faire pour continuer à mener sa vie agréable de riche bourgeois africain. Mais son épouse gâtée, qui a maintenant trouvé son chemin de Damas, lui reproche de ne pas en faire assez pour sa famille. Le mot « Abusuan » signifie justement « famille ».
Le film remporta un prix au FESPACO de 1973, tout au début du festival. Mme Duparc nous rappelle que son mari faisait partie du petit groupe sélect de cinéastes africains qui créa le FESPACO. Et tels que nous reviennent leurs objectifs de l´époque, ils affirmaient leur foi en la création d´un cinéma africain, qui oeuvrerait à l´amélioration de la société, qui parlerait avec la voix de l´Afrique (mais pas encore dans les langues africaines, cependant.
...quelque chose que Duparc ne paraît pas accepter). Les objectifs, c´était aussi la nécessité de créer des voix et des visions africaines, de trouver des salles pour les films africains, de former les cinéastes et les techniciens. Tout ceci se situait aux tout débuts, et elle se rappelle si nettement le coût élevé d´expédition de toutes ces boîtes de films à Paris pour y être développées. Des frais énormes à l´époque et, habituellement, il fallait donc se contenter d´une prise par scène. Inévitablement, il en résultait des prises de vue inégales ou un montage par moments maladroit.
Mais en dépit de tout ceci, Abusuan tient la route, sans recourir aux distorsions exagérées de la ligne du récit qui marquent aujourd´hui les tournants mélodramatiques. On n´y voit pas la lourde insistance sur les gros plans et les personnages se rapprochant de la caméra fixe pour créer ce moment dramatique. La description des enfants instantanément corrompus par leurs cousins de la ville a quelque chose de naïf ; le contraste reflète la décennie "cool " des années 70 quand être un « villageois », représentait tout ce qu´il ne fallait pas être (tout comme ; d´ailleurs, pendant la décennie « cool » des années 50). Il y a donc les inévitables scènes dansantes de boîte de nuit où la crème sociale passe du bon temps, l´époque où un coup de téléphone au commissariat de police réglait le problème plutôt que de l´aggraver.
Quelle différence avec la splendide Rue Princesse où Josie (Jeanne Bana) emporte le film avec le coup de vent de son exubérance et le charme de son sourire ! Ce film, toutefois, offre de l´espace à ce que je crois être la caractéristique essentielle des films de Duparc : ce lieu qui accueille ce que Zizek appellerait le vide, ce moment inassimilable du Réel que l´on ne peut intégrer dans un monde ordonné, c´est-à-dire un ordre symbolique ; dont on ne peut se débarrasser en négociant ; et par-dessus tout, qui s´ouvre à la nécessité de se servir de l´imagination et de la fantaisie pour explorer le rôle du désir dans nos vies. Le désir vient avec ses divers prix à payer, ses suppressions, ses désastres qui doivent être déplacés, s´ils ne sont pas sublimés. Les Désirs président à chaque battement du coeur des films de Duparc, au moins depuis Bal Poussière. Ils ont toujours été présents, d´ailleurs, mais ils devaient jusque là obéir à la loi supérieure du Message. Ce message une fois disparu, et une fois disparues aussi les luttes qui commencèrent avec la libération nationale et s´achevèrent dans le régime qui n´en finissait pas de Papa Houphouet, ce qui compta désormais fut l´échelle réduite des rapports personnels et interpersonnels, et non plus l´univers social dans lequel les pressions politiques et économiques, les pouvoirs, la corruption et les répressions s´exerçaient.
La répression devait donc venir nécessairement du sein de la famille. Le père rôdant derrière les scénarios des débuts est maintenant devenu le mari plus âgé dont les pouvoirs de maîtrise du désir sont réduits par la nouvelle femme. Celle-ci est une prostituée dans Rue Princesse, l´une de ces filles débordantes de vie qui, dans une présentation conforme aux stéréotypes de classe, sont grossières, bruyantes, exubérantes, sans cesse en mouvement. Les gens riches tentent de les exclure, mais elles séduisent tous les hommes, y compris Jean, le héros, le fils, qui veut devenir musicien, d´un exploitant forestier fortuné. Jean tombe amoureux de Josie, ce qui sort tout droit de la romance sentimentale du 19e siècle français, et elle est incapable de lui dire non. Ceci bien que, comme le film nous le fait découvrir, pratiquement tous les hommes mûrs de la ville, notamment et particulièrement le père de Jean, aient trouvé auparavant le chemin de son lit.
Le voilà donc, finalement. L´inceste, sous une forme ou une autre, revient. L´une des femmes qui cherche à séduire Jean est l´amie de sa mère ; par son âge, elle pourrait être sa mère , mais elle est suffisamment aguichante pour refuser d´accepter le rôle de la femme âgée. Ce point sombre du désir marque toute la génération des aînés, et nous voyons que le désir refuse de s´éteindre, et nous réalisons que la génération suivante vivra à son tour, tôt ou tard, ce moment inacceptable.
Une Couleur Café. Il y a dix ans à peine. Comme il était facile alors pour les Africains d´aller en France. La « petite » combine de « Docteur » pour pouvoir amener Kaba, sa jeune et deuxième épouse du village, avec lui. Il fait figure d´imbécile quand il se montre au village avec un parapluie pour se protéger du soleil, mais il est souriant, aimable, inoffensif. Nous ne sommes pas étonnés –alors qu´il a manifestement menti en faisant croire qu´il avait une maison et de l´argent en France–de le voir conduire Kaba dans le logement en sous-sol qu´il occupe avec Awa, sa première épouse. Les deux femmes s´entendent et sympathisent tout de suite. Elles constituent le couple qui va faire marcher les choses, tandis que Docteur s´en va courir sa petite amie blanche. Nous savons que la château de cartes va finir par s´effondrer puisqu´il cache tout à toutes les personnes extérieures et à la communauté africaine.
Comme dans toutes les oeuvres de Duparc, tout est traité sur le mode badin, mais, sous la surface de la comédie, on a le sentiment que ces deux cultures ne se parlent pas. Ce sont les femmes qui s´arrangent de la polygamie, en famille, même dans les situations les plus difficiles. Mais le fait qu´il ait une maîtresse blanche, mélangeant ainsi l´infidélité européenne et la polygamie africaine, crée une situation qui ne peut être résolue, d´où l´abandon de Docteur par Kaba qui trouve Peter et l´amour vrai. Tous les Africains ici vivent en marge de la société, car en tant que clandestins, ils sont une main d´oeuvre qui peut être exploitée. La police est là aussi, représentant le bras armé d´une société dont les normes doivent prévaloir sur celles de visiteurs, mais elle n´est ni brutale, ni raciste, et même quand elle est « vaguement » raciste, ce n´est pas de façon outrancière. Le film ne projette pas l´impression d´une Europe - forteresse, ni le sentiment d´efforts désespérés pour franchir les barrières à l´entrée. Docteur est au final un personnage trop sympathique, pitoyable, et superficiel pour être un objet de haine ou même une victime. Il est plutôt la figure de la pauvreté africaine coincée à un niveau qui crée toujours des problèmes mais jamais des catastrophes. Et à la fin, nous savons que les deux femmes resteront et s´en sortiront.
Malgré cette assurance, cependant, la comédie et le jeu de dissimulation ont un côté sombre, qui apparaît dans la relation entre l´homme mûr, Docteur, et sa jeune femme, Kaba, qu´il présente aux Français comme étant sa fille. Sa grossesse révèle quelque chose d´autre à la marge, l´inceste qui, bien que ce cas ne soit, ni techniquement ni juridiquement, un inceste, reste très présent, métaphoriquement, à l´arrière-plan. Nous sommes donc rassurés quand Kaba trouve son Peter, qui est plus jeune et viril, l´objet d´amour, le compagnon indispensable d´un film qui veut nous faire voir, à la fin, qu´un bon couple s´est constitué et l´a emporté.
Tout ceci nous amène au plus puissant, pour moi, des films de Duparc, un film dont je me suis dit que j´avais de la chance de l´avoir vu : Caramel. Elle est de teint clair, comme la beauté qui surgit des eaux. Nous ne savons pas d´où elle est venue, mais un jour elle était là , attendant de voir « Mangala, Fille des Indes », le film que son père aimait. Ce film merveilleux intègre divers moments de tous les films antérieurs de Duparc, y compris des posters et des clips, car le héros, Freddie, est le propriétaire - gérant d´une salle de cinéma. Une salle sur le point de fermer définitivement. C´est là qu´il rencontre Caramel, nom qui lui vient du goût de caramel que son visage évoquait pour son père. Ils tombent amoureux l´un de l´autre ; la soeur de Freddie fait tout son possible pour subvertir leur amour, mais elle n´est plus que l´obstacle qui le rend encore plus savoureux. Elle est grosse, comique, pas séduisante. Caramel est svelte et belle, avec un doux et beau sourire et l´allure avec, ...irrésistible.
Ah, c´est comme cela que les choses se passent avec Mammy Watta. Et quand survient l´inévitable, et qu´elle ferme les yeux de Freddie avec ses mains, elle, la Mammy Watta depuis longtemps partie vers le seul pays où l´amour vrai existe, nous voyons le mythe du rêve urbain prendre forme vivante sous nos yeux. Chez Duparc, la romance a toujours été présente, mais la formule tout à fait juste l´éludait jusqu´à ce qu´il trouve sa Mammy Watta. Elle apporte aux sentiments une notion africaine de transgression et de transcendance, deux des caractéristiques essentielles qui permettent à l´imaginaire débridé, au fantastique d´atteindre son point culminant. L´imaginaire de la fantaisie et le désir : ils résument tout ce que les « pères » du cinéma africain voulaient éliminer. Mais le désir ne s´est jamais laissé réprimer. Mammy Watta revient toujours car, après tout, n´est-elle pas « la belle dame sans merci », la mammy dont l´amour est mort, et dont la watta est désir ? Mammy Watta sur écran : il semble maintenant que seul Duparc pouvait réaliser ce tour de force, et il le fait de façon magnifique si c´est le mot juste pour une obsession que nous ne devons pas seulement à Hollywood ou à Bollywood . On pourrait dire que le temps des pères est terminé. Faites place pour Nollywood !
Henri Duparc vient de disparaître. Avec lui s´éteint l´une des plus grandes figures du cinéma africain. Henri Duparc a su allier la recherche de l´auteur à la volonté permanente de toucher le public populaire, dans son pays la Côte d´Ivoire comme dans toute l´Afrique de l´Ouest. Cette qualité rare se passait de commentaires, il suffisait de voir à quel point les Sud–Africains, aux premiers jours de la démocratie, étaient désireux d´acquérir les droits et de diffuser des films comme Bal Poussière ou Rue Princesse...
Qui a pu assister aux projections de Bal Poussière à Ouagadougou ou à Abidjan sait à quel point ce que succès populaire veut dire en Afrique de l´Ouest. Un public qui dialogue avec les comédiens, qui les apostrophe et leur souffle les répliques. Des comédiens qui sont devenus de vraies vedettes : Hanny Tchelley, la quatrième épouse ou Demi Dieu, un acteur dont on a oublié le nom tellement il est confondu avec le personnage qu´il a créé dans Bal Poussière. La créativité d´Henri Duparc reposait sur une parfaite maîtrise du langage cinématographique, un vrai sens du comique de situation et une volonté de s´opposer aux travers de la société dans laquelle il vivait.
Henri Duparc avait choisi de vivre en Afrique. Il était resté dans son pays pour écrire, produire et réaliser ses films. Son apparente distance, sa retenue et son sens de l´humour à froid faisaient de lui un observateur attentif de la société ivoirienne. L´une de ses plus grandes (et pertinentes) remarques reposait sur la captation de la langue populaire. Henri Duparc a su reconstituer en la poussant parfois jusqu´à la caricature bienveillante « le français d´Abidjan », cette langue savoureuse qui prend les formules au pied de la lettre et leur donne une force nouvelle. Henri Duparc était un formidable dialoguiste qui écrivait tous ses textes avec méticulosité et par là m ? maîtrisait totalement la direction d´acteurs. Le sens de l´humour du réalisateur n´excluait pas, loin s´en faut, la réflexion et l´engagement. D´où sa sensibilité aux questions du racisme, de l´immigration et de la perte d´identité. Henri Duparc est rentré dans l´histoire du cinéma africain. Il rejoint les grands anciens comme Oumarou Ganda le Nigérien, Djibril Diop Mambéty le Sénégalais ; Lionel Ngakane le Sud–Africain... Il nous manque déjà.
« Avec Henri Duparc nous perdons trop tôt l’un des grands noms du cinéma africain et certainement l’un de ceux qui auront le mieux contribué à lui donner ses lettres de noblesse. Il s’était imposé comme l’un des maîtres de la comédie africaine, d’un cinéma ivoirien où se mêlent humour, tendresse, mais aussi une certaine ironie par laquelle se manifeste un sens très affirmé de la critique sociale ».
Renaud Donnedieu de Vabres – 18 avril 2006
Henri Duparc célèbre, réalisateur de Bal Poussière, est décédé à Paris, hier mardi 18 avril 2006. Il avait 65 ans. L´humour et la dérision ponctuaient ses films. Il avait aussi ses coups de colère. Henri Duparc a donné ses lettres de noblesses à l´humour ivoirien dans le domaine du 7ième art.
"Les grandes lois physiologiques qui nous régissent ont leurs masques. Le temps qui grime notre visage a les siens. La mort a le sien dont nous conservons parfois si pieusement l´empreinte." C´est ce qu´écrivait Henri Duparc après la sortie de Mouna, le rêve d´un artiste premier moyen métrage du cinéaste, réalisé en 1969 et qui raconte l´histoire d´un sculpteur amoureux de ses statuettes et d´une femme. Ce film était prometteur d´un talent qui allait imprimer sa marque dans la filmographie africaine.
Henri Duparc, franco guinéen et ivoirien d´adoption, avait toujours une histoire à raconter. Une histoire qui déclenchait le rire. Il pouvait aussi se vêtir d´un sérieux et d´une exigence qui balayait tout soupçon de légèreté que reflétaient ses films. Henri Duparc avait popularisé l´humour ivoirien avec ce français si caractéristique du pays de la Lagune. Son film Bal poussière, avec Demi Dieu coincé entre les ’’robeuses’’ et les ’’pagneuses’’, aura été sa production culte, du moins en Afrique. Pour maints cinéphiles, c´est ce film qui aura fait connaître Henri Duparc.
Deux raisons à cela : la première est que Bal poussière a connu un franc succès d´abord en Côte d´ivoire où il a prouvé qu´une production africaine peut être rentabilisé sur le sol national.
La seconde raison tient au fait que le film a fait la démonstration que l´humour est payant au cinéma et qu´il enjambe les cultures. A ceux qui reprochaient à Henri Duparc de ne parler que de sexe dans ces derniers films, il répondait : "Mes films parlent de la vie des hommes. Et les hommes ont besoin de nourriture. Cette nourriture est fournie essentiellement par le cerveau, la bouche et le sexe. Je parle de sexe dans mes films uniquement quand cela est nécessaire. Je n´en fais pas une obsession. Dans mon quotidien je ne me focalise pas dessus, car chaque heure a sa muse".
L´humour de Henri Duparc est parfois grinçant dans ses films que sont Abusuan (1972), Le sixième doigt (1990) Rue princesse (1993), Une Couleur café (1997) dans lequel Awa Séne Sarr tient un rôle. Clarence Delgado, l´assistant de Ousmane Sembéne avait participé en qualité d´assistant à la réalisation à ce film. Le dernier film de Henri Duparc est Caramel, tourné en pleine crise ivoirienne. Dans le site de Henri Duparc, on lit que la recherche de financement avait été laborieuse au vu de la situation du pays.
Toutes les parties sollicitées avaient commencé par mettre en avant les dangers d´un tournage dans un pays à hauts risques. L´acharnement des producteurs qui affirmaient le contraire n´empêchera pas le scénario d´être écarté de toutes institutions où il fut présenté. L´Union Européenne, le fonds sud du ministère de la Coopération française, TV5 s´étaient détournés du projet parce que tourné en zone de risque. Seule l´agence Intergouvernementale de la Francophonie avait accueilli le projet et lui avait octroyé 75.000 Euros.
Henri Duparc s´était tourné vers d´autres partenaires. Nourredine Sail du Maroc lui ouvrira les portes du Centre Cinématographique marocain et l´Afrique du Sud ses structures de production. Le tournage eut lieu en mai et juin 2004 et le film fut présenté au public le 22 avril 2005. Huit semaines plus tard, il avait fait 32.510 entrées dans une seule salle de cinéma. Un succès que n´avait pas rencontré Henri Duparc depuis Bal poussière. C´est un grand cinéaste qui disparaît.
Un cinéaste qui aura réalisé des films documentaires et publicitaires. II avait à son actif quelques 29 longs et courts métrages.
Le regretté cinéaste, ivoirien d´origine guinéenne Henri Duparc, prématurément disparu en 2006 occupait une place à part dans le cinéma africain. Considéré comme l´un des plus grands pionniers du Cinéma Africain (il avait commencé sa carrière alors qu´il était encore étudiant à l´Institut des Hautes Etudes Cinématographiques de Paris comme acteur dans le film Concerto pour un exil de son compatriote Désiré Ecaré).
Il était l´un des seuls à s´être spécialisé dans la comédie, non pas une comédie aux effets comiques gratuits, mais une forme de satire sociale pleine d´humour et d´ironie, une ironie qui n´excluait pas un regard plein de tendresse sur ses compatriotes, même ceux dont il épinglait les travers. C´est ainsi que son film le plus célèbre Bal Poussière, une satire sur la polygamie, a été à ce jour le film d´Afrique Noire qui a eu le plus grand nombre de spectateurs en Europe, justifiant la pertinence de l´adage « CASTIGAT RIDENDO MORES » (Châtier les moeurs en riant).
En tant que personne, Henri Duparc était vibrant d´humanité et de civilité, d´un rapport toujours empreint de courtoisie, et d´une immense gentillesse, toutes qualités qui se reflètent dans sa vision filmique et dans son approche de ses personnages. Henri Duparc était un habitué des JCC dont il avait été membre du jury officiel en 1996 et lauréat en 1977 avec L´Herbe Sauvage. C´est donc à la fois au cinéaste et à l´ami que nous rendons hommage en présentant un choix de ses meilleurs films, avec en ouverture sa toute dernière oeuvre encore inédite Caramel.
Les cinéphiles ont l´habitude de saluer une « école » de cinéma mondial intitulé « La Comédie Italienne ». Avec l´oeuvre d´Henri Duparc ils vont découvrir l´importance de la « Comédie à l´Africaine » et mesurer la place difficile à remplacer que laisse son auteur.
Il y a quelque chose de profondément émouvant dans le dernier film du cinéaste malheureusement disparu en 2006 : conscient de sa maladie mais sans le laisser apparaître sur le tournage, Henri Duparc a conçu Caramel comme un adieu. Il n´en a pas pour autant fait un pompeux ou prétentieux testament, bien au contraire : il se contente une fois de plus de zoomer comme dans la première image sur Abidjan, la terre d´accueil de ce métis guinéen qui y avait trouvé ancrage et succès.
Soucieux de conserver un contact direct avec le public et conscient de l´évolution de la diffusion dans une ville o ?s cinémas ont fermé, il adopte un style télévisuel multipliant les champs contrechamps dans les dialogues et cadrant volontiers les visages de ses protagonistes. Fidèle à son habituelle dérision puisant dans une fine observation du milieu, une utilisation des permanentes inventions linguistiques du français de Côte d´ivoire et du vaudeville des comédies thé ?ales ivoiriennes, il exagère comme toujours personnages et situations jusqu´à la caricature pour mieux produire un contre discours aux problèmes de l´heure, dénonçant l´intolérance et la bêtise. Mais cette parodie respecte toujours ses personnages qui conservent toute leur humanité, seule façon de proposer au spectateur de se regarder tel qu´il est et de se corriger. "
"... (Car) le cinéma prend une place inattendue dans le film et l´on comprend peu à peu combien Caramel se réfère à la carrière d´Henri Duparc, non de façon biographique mais signalant ses tentatives, ses échecs, ses engagements. Les affiches de ses films émaillent les mûrs et des extraits d´Abusuan, L´Herbe Sauvage, Bal Poussière et Couleur Café contribuent au récit. Fred qui y roule dans une voiture arborant en grosses lettres le slogan « le cinéma fait rêver » – un combat cher à Duparc–, s´engage à fond, persuadé qu´il va remonter les comptes de son cinéma qui périclite faute de spectateurs en organisant une semaine du cinéma africain. Au programme : Abusuan, Camp de Thiaroye, Kodou, rien que des bijoux historiques des cinémas d´Afrique, mais aussi fers de lance d´un cinéma thématiquement et esthétiquement autocentré. On sait qu´Henri Duparc avait repris Le Pharaon, une salle abidjanaise, dans l´idée de programmer en priorité des films africains mais qu´il avait dû fermer sous le coup de la dévaluation du franc CFA qui alourdissait les charges tout en diminuant les recettes. "
...Son amour pour Caramel l´entraînera loin, au–delà du réel, dans un monde que le cinéma ose parfois aborder avec humour comme dans Ghost (Jerry Zucker, 1990, avec Whoopi Goldberg) ou Always (Steven Spielberg, 1989) : comment les morts veillent sur les vivants. Une façon de nous dire qu´en nous faisant rêver, le cinéma nous emmène comme l´amour au–delà de nous–mêmes, qu´il nous permet de nous transcender. Mais aussi de nous rappeler, comme Duparc le déclarait lui–même, « que seul le drame qui peut exister sur terre, pour un individu, c´est la mort, et qu´au–delà de ça, tout le reste n´est qu´une comédie humaine ! »
Rendons, ici, hommage au cinéaste Henri Duparc, décédé le 18 avril à Paris à l´âge de 64 ans. Ce qui est bien trop tôt pour n´importe quel homme que l´on aime, plus encore lorsque c´est un artiste de sa trempe. Lunettes calées sur le haut du crâne un peu dégarni, oeil vif, allure décontractée mais chic et, surtout, surtout, bonne humeur communicative. Henri Duparc était avant tout un passionné de cinéma. Cet Art, il l´étudiera d´abord à Belgrade, en Yougoslavie, au début des années 1960, avant d´approfondir ses connaissances à Paris, à l´IDHEC, Institut des hautes études cinématographiques, devenu la Fémis. Après ce mini–tour européen et studieux, ce franco–guinéen, né le 23 décembre 1941 à Forécariah (ex–Guinée française), ne rentre pas dans son pays natal, en 1967, mais choisit la Côte d´Ivoire comme patrie d´adoption. C´est là qu´il se mariera, que ses trois filles grandiront et qu´il réalise ses premiers films, des documentaires, des courts et moyens–métrages, institutionnels, économiques ou touristiques.
Son premier long–métrage de fiction, Abusuan, en 1972, est teinté d´autobiographie. Il raconte le retour au pays, après des études en Europe, d´un jeune architecte qui se retrouve confronté, avec son épouse, aux exigences de la famille traditionnelle africaine. Bonheur ! Le film rencontre un énorme succès dans les salles et fait le bonheur des festivals internationaux qui présentent des films africains. Henri Duparc, convaincu que, malgré les difficultés, les choses sont possibles en Afrique, enchaîne projets sur projets et déborde d´idées qu´il cherchera toujours à concrétiser. Il tourne des films, pour la télévision, le cinéma, parfois alimentaires c´est vrai, mais c´est ce qui lui permet de faire « bouillir la marmite » de sa société de production, Focale 13, installée à Abidjan et qui permet aussi à d´autres réalisateurs de s´exprimer. Henri Duparc dirigera une salle de standing de plus de six cents places dans la capitale ivoirienne, durant près de quatre ans, Le Pharaon, où il offre au public des cycles consacrés à Jean Gabin ou à Louis de Funès.
Mais la dévaluation du franc CFA, en 1994, aura raison de ses finances et Le Pharaon ferme ses portes. Qu´à cela ne tienne, Henri Duparc rebondit une fois encore. Depuis le triomphe, en France, en Belgique, au Québec et en Afrique bien sûr, de Bal poussière en 1989 (un homme, qui a cinq femmes, décide d´en épouser une sixième, une pour chaque jour de la semaine, et de les mettre en compétition pour savoir qui aura droit au dimanche), il est quasiment devenu un cinéaste culte. Le Sixième doigt, Rue princesse, Une couleur café, Caramel, trouveront, quasiment à chaque fois, le coeur du public. Tournés en français et en langue vernaculaire, ses films parlent de l´Afrique d´aujourd´hui, de ses espoirs, de ses contradictions, de ses femmes et hommes plein d´inventivité, d´humour aussi. Il n´hésite pas, non plus, à parler de sexe...
En projet, Henri Duparc avait une adaptation de La puce à l´oreille de Georges Feydeau et un scénario au titre explicite, La grève du lit. La mort ne lui aura pas laissé le temps de mener à bien toutes ces aventures. C´est sûr , Henri Duparc va manquer au cinéma mondial en général et africain en particulier. Seule consolation, il va, peut–être, rejoindre là–haut l´un de ses maîtres, Federico Fellini, lui aussi grand amateur de cinéma et de femmes devant l´éternel.
Rendons hommage à Henri Duparc qui vient de disparaitre. Un cinéaste ivoirien marquant pour l’Afrique et son évolution. Un cinéaste populaire ouvert aux valeurs du monde. Et un homme de cœur discursif. Son esprit reste avec ses films.
Michel Amarger Africiné -18 avril 2006